lundi 12 janvier 2015

"Je Suis Charlie" de Les Cartons

Si vous avez une connexion internet, vous connaissez forcément Les Cartons. Il s'agit de l'oeuvre d'un artiste français dont on ne sait pas grand chose, mais qui, avec des mots décapants sur fond sobre nous gratifie régulièrement de blagues dont les sujets variés (sexe, art, société) jouent toujours avec la langue française.

LES CARTONS, L'orgasme est une performance artistique, 2014
Réalisés en format carré, ce format Instagram qu'on retrouve dans le magnifique film Mommy de Xavier Dolan ou dans la photographie de François Hollande par Raymond Depardon, format qui caractérise la représentation visuelle de ce début de XXIe siècle, Les Cartons sont souvent déclinés en séries thématiques, comme ici sur les stations de métro parisien.

LES CARTONS, Enlève ton slip Cité un homme, 2014
Parfois, c'est le savoureux décalage ou le parallèle historique ou artistique qui nous interpelle, comme cet "hommage" à Valérie Trierweiler.

LES CARTONS, Merci pour ce moment !, 2014
Et puis, il y a eu les attentats que nous avons connu cette semaine. Et l'auteur anonyme de ces Cartons a trouvé la manière simple, appropriée et frappante de réagir en utilisant La Liberté guidant le peuple de Delacroix.

Eugène DELACROIX, La Liberté guidant le peuple, 1830
Dans une image sobre regroupant le fameux hashtag (#) ou mot-dièse qui caractérise notre époque, et cette image que nous connaissons tous et qui nous rappelle que ces combats pour la liberté sont anciens, Les Cartons réussit la synthèse de ce qui s'est joué ces derniers jours : une tentative désespérée des terroristes d'en finir avec la République et avec la Liberté. 

LES CARTONS, Je suis Charlie, 2015
Trouver la manière adaptée, respectueuse, mais engagée, de s'exprimer artistiquement en ce genre de moments n'est pas facile. Voici quelques Cartons publiés depuis.

LES CARTONS, Ceci est un carton politiquement correct., 2015
LES CARTONS, -, 2015
LES CARTONS, L'art n'est pas pour te plaire, 2015
À mon avis, Les Cartons mériteraient un livre, ou une exposition quelque part, tant ils interrogent avec pertinence (et c'est le rôle de l'art) notre société contemporaine. 

Mon avis : 5/5

jeudi 1 janvier 2015

"Saint Sébastien, le corps triomphant" de Robin

La figure de Saint Sébastien a été traitée à nombreuses reprises à travers l'histoire de l'art. On a pu en voir un très bel exemple par le peintre italien du XVIIe siècle Antonio de Bellis, exposé lors de l'exposition "Sade. Attaquer le soleil" au Musée d'Orsay à Paris. 

Antonio de BELLIS, Saint Sébastien évanoui, 1630-1640
(source : domaine public, via Wikimedia Commons)
On représente traditionnellement ce saint dans la posture où il trouva la mort : attaché à un poteau et le corps transpercé de flèches. À partir du milieu du XIXe siècle, Saint Sébastien devient une iconographie homosexuelle, que ce soit en peinture, ou dans la photographie, comme dans ce Saint Sébastien de Fred Holland Day.

Fred Holland DAY, Saint Sebastian, 1906
(source : domaine public, via Wikimedia Commons)
L'exposition dont nous allons parler a été organisée par la mairie du 10e arrondissement de Paris et se tient jusqu'au 10 janvier. Elle a l'avantage d'être gratuite. Elle est réalisée par le photographe Robin, connu pour photographier le monde de la musique pop. Voici ce que nous dit l'artiste de son travail dans le texte de présentation de l'exposition : "Saint Sébastien se trouve naturellement être l'un des personnages les plus emblématiques pour sensibiliser le regard au corps. [...] Sujet profane et sacré à la fois, saint Sébastien mêle la fragilité à la beauté du corps, capable de résister aux pires atteintes. Or les fléaux les plus divers continuent de hanter notre quotidien. Peste hier ou sida aujourd'hui [...]. " Qu'en est-il de cette exposition ? 

L'exposition "Saint Sébastien, le corps triomphant" de Robin à la Mairie du 10e arrondissement de Paris
(source : François Frémeau, licence CC BY-SA 3.0 FR)
Située dans le hall de la mairie du 10e arrondissement de Paris, l'exposition qui compte une trentaine de photographies est inégale en qualité. Tout d'abord, l'éclairage rendant les photographies brillantes (d'autant qu'une partie est recouverte d'une vitre) rend la visibilité parfois difficile. Comme le dit très justement le texte d'introduction, la figure de Saint Sébastien, par son histoire religieuse et son appropriation par la communauté gay est à la fois un sujet religieux et profane. Or ici, nous passons "d'à la fois" à "alternativement". Certaines photographies sont magnifiques, notamment les comparaisons avec des photographies de statues représentant le saint. 


 L'exposition "Saint Sébastien, le corps triomphant" de Robin à la Mairie du 10e arrondissement de Paris
(source : François Frémeau, licence CC BY-SA 3.0 FR)
D'autres fois, l'image va être extrêmement banale et homoérotisée à outrance. Même si le photographe fait le choix de ne pas systématiquement représenter le saint avec des plaies évoquant les flèches pour faire un parallèle avec le sida, maladie invisible, certaines photographies feraient certes de très belles couvertures de magasine, mais sont tout à fait à côté du sujet (mais pas à côté du titre de l'exposition, car alors c'est le corps qui triomphe, et non la figure de saint Sébastien). Là où il est le plus pertinent, c'est finalement quand Robin s'appuie sur l'iconographie qui l'a précédée et qu'il se la réappproprie avec la photographie. Le parallèle est intéressant. 

Je ne suis pas spécialiste de la photographie contemporaine, mais voici mon avis sur cet exposition. Si vous voulez vous faire le vôtre, rendez-vous à la mairie du 10e arrondissement avant le 10 janvier 2015. 

Saint Sébastien, le corps triomphant de ROBIN
Du 1er décembre 2014 au 10 janvier 2015
Mairie du 10e arrondissement de Paris
72 rue du Faubourg Saint-Martin
Entrée libre
Mon avis : 2/5